On arrive enfin au cœur du processus de l'apprentissage de l'écriture, qui est l'acquisition des divers symboles écrits. C'est évident pour tout le monde qu'on ne commence pas à enseigner à écrire à un enfant en utilisant des mots comme le mot château. C'est beaucoup trop long, beaucoup trop compliqué et juste impossible pour son cerveau. Il y a bien des petites étapes à franchir avant d'arriver là.

Alors, la première étape, c'est évidemment le dessin libre. On laisse l'enfant barbouiller tout ce qu'il veut, s'amuser, s'éclater pendant plusieurs mois, sinon plusieurs années, car l'enfant est très jeune. C'est ce qu'on va faire. On ne sera pas rendu à lui faire reproduire des formes précises, en tout cas avant l'âge de trois ans. C'est vraiment prématuré, mais à partir de l'âge de trois ans, on peut commencer très doucement à le faire entrer très graduellement dans l'écriture en suivant les bonnes étapes.

Évidemment, une première étape avant de commencer le traçage proprement dit, c'est d'apprendre à colorier à l'intérieur d'une zone plus petite. Alors, quand l'enfant est en train d'essayer de colorier divers dessins, c'est parfait. Il est en train de se préparer à l'écriture. Comme j'ai dit précédemment, il est important, quand on va arriver à lui faire tenir quelque chose dans la main, de s'assurer que la tenue du crayon est bonne. S'il n'y arrive vraiment pas, c'est peut-être qu'on veut aller trop vite pour l'enfant. Il faut se rappeler que oui, il y a une progression, mais chaque enfant est unique. Chaque enfant a ses forces, chaque enfant a ses défis. C'est pour cela qu'il faut vraiment faire attention de ne pas dire qu'un enfant devrait être rendu à tel âge, précisément parce que ce n'est pas vrai.

Chaque enfant se développe de manière différente. Ce qui est important, c'est de suivre son rythme pour qu'il y ait des défis à sa hauteur, mais qui demeurent surmontables pour qu'il soit encouragé, qu'il prenne plaisir et qu'il progresse en conservant une excellente confiance en lui-même.

Comme je l'ai dit précédemment, c'est bien évident qu'au début, c'est libre. Après ça, on va colorier certaines zones. Ensuite, quand on parle de traçage, il y a des étapes dont j'ai parlé avant, comme poser des petites perles sur un gabarit. L'enfant est en train d'apprendre à écrire. Les symboles que je vais vous montrer sont autant valables dans leur progression, qu'on mette des petites perles autour ou par-dessus, ou qu'on essaie de reproduire le symbole à côté avec des petites perles ou des bâtonnets ou de la peinture à doigts que si on le fait avec des crayons-feutres ou des crayons à mine.

Il faut vraiment respecter les progressions que nous avons vues préalablement. Tout se fait avec l'ensemble des symboles de pré-graphie que je vais vous montrer maintenant. Il ne faut pas commencer juste avec un crayon. Ces symboles peuvent être utilisés avec l'ensemble de ce que j'ai expliqué précédemment.

Donc, les premiers symboles qu'on va utiliser, vous allez les retrouver dans notre système, car ils ont un contour vert. Ce sont les premiers symboles que l'enfant doit apprendre à faire. Généralement, il y a le cercle, il y a le trait, qu'il soit vertical, horizontal ou diagonal. Tous ces traits-là sont disponibles dans nos jeux. C'est facile pour vous de les reproduire, mais cela demeure des traits simples. En fait, le plus complexe dans les symboles de pré-graphie débutant, c'est vraiment la croix. Tant que l'enfant ne sait pas faire un cercle, un trait et une croix, n'imaginez pas qu'il est capable de commencer à faire des lettres. C'est impossible.

Alors, ce sont les premiers gabarits, toujours dans la même progression. Je mets le gabarit sur la table, je fais faire des choses par-dessus. Ensuite, je le fais reproduire à côté, puis de mémoire. Ensuite, nous passons à des symboles un peu plus complexes. Je vais vous en montrer trois : la spirale (vers la droite, vers la gauche), les petites vagues qui préparent à l'écriture de certaines lettres, et les vagues dans plusieurs sens. Cela peut sembler identique, mais pour l'enfant qui apprend, c'est très différent, et il y a une complexité plus élevée dans les symboles intermédiaires. Nous trouverons aussi des traits très carrés comme ceux que l'on trouve sur les tourelles d'un château, par exemple.

Il y a plein de formes répétitives que l'enfant doit apprendre à tracer avant de s'exposer à quelque chose de plus compliqué. Quand cela est acquis, nous pouvons sortir de notre arsenal des petits dessins très simples. Ici, j'ai un nuage, probablement le dessin le plus simple que l'enfant puisse faire. Ensuite, nous passons à des dessins un peu plus complexes, comme un ballon. Initialement, il peut tracer par-dessus le ballon, puis à côté, tenter de le reproduire, et finalement se souvenir de sa forme exacte et la reproduire. Il est en train de faire travailler son cerveau, sa mémoire, sa concentration et son inhibition pour pouvoir faire des lettres. Enfin, nous pouvons aller vers des dessins plus compliqués, comme une maison, qui est très rectangulaire et rectiligne.

Vous pouvez voir que j'ai des formes plus organiques, plus arrondies, et des formes plus droites, des traits très précis. Les deux formes doivent être explorées par l'enfant avant de penser à lui enseigner à écrire des lettres. La raison est simple : ce n'est pas le même mouvement pour faire des formes arrondies et des formes très droites.

Ensuite, pour beaucoup de parents, nous passons aux lettres proprement dites. Nous progressons toujours de la même manière. Quand nous débutons, nous commençons avec les lettres majuscules, beaucoup plus faciles à tracer que les lettres minuscules. Nous avons des gabarits de majuscules. L'enfant peut tracer par-dessus le gabarit, nous pouvons l'agrandir ou le rétrécir. Nous pouvons faire ces gabarits sur une feuille devant lui, il met de la pâte à modeler ou des petites perles. Ensuite, nous lui enlevons le gabarit, nous le mettons à la verticale devant lui et lui demandons de faire la même chose à côté avec un spaghetti ou un bout de laine. Peu à peu, nous lui demandons de le reproduire avec un crayon. Plus cela avance, plus nous lui faisons reproduire la lettre dans un gabarit de plus en plus petit. C'est là que toutes les feuilles, avec les gros espacements, les lignes de plus en plus étroites avec les pointillés, peu à peu, il sera en mesure de passer des grandes lettres majuscules, peut-être tracées dans un carré de sable ou sur une grande surface, à des majuscules mieux contrôlées et de plus en plus petites qu'il apprendra à tracer sur une feuille, puis entre deux lignes de plus en plus étroites, ce qui est ce que l'école demande, qu'il puisse apprendre le plus rapidement possible.

Quand nous voyons que l'enfant commence vraiment à maîtriser les majuscules, c'est le moment de commencer à lui faire dessiner des lettres minuscules. Les lettres minuscules sont encore plus complexes à tracer. La grande difficulté de ces lettres réside aussi dans le fait de mémoriser la lettre et de la reproduire de mémoire. Pour certains enfants, cela prend beaucoup de temps à acquérir car c'est un processus neurologique complexe.

L'important, quand nous faisons faire ce type d'exercice à l'enfant, est de le faire de manière très graduelle, de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et de ne pas vouloir aller trop vite. Cela ralentirait le processus. Il est très important de préparer doucement son cerveau à reconnaître les lettres, à les mémoriser, à les copier et à les tracer de mémoire. Une fois que l'enfant a bien acquis les minuscules, doucement, nous passons aux syllabes. Nous lui faisons travailler des syllabes simples comme "co" ou "ha". Nous pensons souvent que les syllabes sont une consonne suivie d'une voyelle, mais les syllabes simples sont aussi une voyelle suivie d'une consonne. En fait, tout ce que nous avons ici, c'est évoluer d'une lettre unique vers simplement deux lettres, mais neurologiquement, c'est tout un acquis à aller chercher.

Une fois que l'enfant est en mesure de tracer des syllabes simples, nous passons aux petits mots. Ces petits mots contiennent deux syllabes simples. Il n'y en a pas vingt, ni trente. Il n'y a pas de syllabes complexes comme "bar" ou "ou" ou "un". Nous restons dans les syllabes de base. Par exemple, "co-de". Nous restons sur des petits mots faciles à faire pendant un certain temps. Comme vous pouvez le constater, nous pouvons tracer ces petits mots dans de la farine, du sable, avec des bâtons, avec toutes sortes de choses. Ce n'est pas parce que nous sommes rendus aux mots que nous devons absolument tracer dans un cahier d'écriture. L'important, c'est que l'enfant prenne plaisir à tracer. C'est l'élément le plus critique, le plus important parmi tous les éléments.

Une fois que l'enfant réussit à reproduire des mots de deux syllabes simples, nous pouvons l'amener à reproduire des mots de plus en plus compliqués avec des syllabes plus complexes. Nous passons de tout petits mots à des mots de plus en plus imposants et de plus en plus difficiles pour arriver à des mots très impressionnants pour un jeune enfant. Nous ne commençons pas par un grand mot, car un enfant aura l'impression qu'il doit gravir une montagne. C'est énorme. Il faut y aller graduellement. Quand nous voyons que l'enfant est vraiment habile, nous augmentons la taille des mots de manière extrêmement progressive.

Ensuite, nous pouvons passer à des jeux qui l'aideront à développer la mémoire de l'orthographe de mots beaucoup plus compliqués sans qu'il se rende compte qu'il est en train d'apprendre. Par exemple, des symboles de différents alphabets du monde. Ce sont des symboles qui, pour l'enfant, ne signifient rien. Ici, nous avons "zénith" en japonais et "franchise" en hébreu. Prendre des symboles de l'alphabet du monde, nous vous en proposons plein, et les reproduire de mémoire. Quand l'enfant réussit à apprendre à reproduire de mémoire un symbole complexe, il a l'impression de s'amuser et de relever un défi purement intellectuel, mais en fait, cela va l'aider à mémoriser l'orthographe de mots comme "ornithorynque", qui est très difficile a priori. Quand il réussit à mémoriser des traits et des barres sans rapport, c'est plus difficile que mémoriser l'orthographe d'un mot, mais cela semble moins difficile car c'est un jeu.

C'est la clé. Tant que cela demeure un jeu, que nous varions les postures, les mains, les médiums utilisés, les surfaces et les matériaux, même si nous faisons tracer des lettres, cela sera beaucoup moins lourd et menaçant pour l'enfant. Peu à peu, nous progresserons vers des gabarits qui ressemblent plus à ce que nous faisons à l'école.

Voilà pour la progression des différents médiums et des différents symboles que nous allons enseigner à écrire à l'enfant, lui montrer, qu'il pourra reproduire et mémoriser. Quand l'enfant aura traversé tout ce cycle, il saura écrire de façon souvent impeccable, souvent très jolie, sans avoir rencontré de difficultés insurmontables ou de souffrance extrême. Quand un enfant dit qu'il a mal à la main, c'est probablement qu'il a besoin de renforcer sa musculature. Nous prenons un pas de recul et continuons exactement au même stade où nous étions, mais nous passons du crayon à la pâte à modeler, par exemple. Cela fonctionne de façon impeccable.

Vous êtes le spécialiste de votre enfant. Que vous soyez son parent, son éducateur ou son enseignant, vous connaissez vos enfants et vous savez à peu près où ils en sont. Le tout est d'être vigilant, de s'assurer que nous sommes au bon stade et de nous amuser, de mettre de la musique, de prendre cela avec un grain de folie. Les symboles des alphabets internationaux peuvent être un défi amusant pour l'enfant. Par exemple, lui est en train d'apprendre à tracer un cercle, et vous, vous tracez un symbole très compliqué. Vous êtes au même niveau de difficulté. Vous faites travailler votre mémoire, votre cerveau. C'est excellent pour vous et vous devez reproduire avec le même matériel que l'enfant. Cela peut mener à des situations très rigolotes.

Il ne faut pas oublier qu'aussi compliqué que cela puisse vous paraître de dessiner quelque chose de très complexe, pour l'enfant, tracer un "O" peut représenter le même niveau de difficulté. Cela va vous permettre d'avoir de l'empathie et de comprendre à quel point c'est tout un processus d'apprendre à mémoriser et tracer des symboles complexes. Cela va vous permettre de mieux accompagner l'enfant en faisant la même chose avec lui à votre niveau. Ce système est aussi très efficace pour travailler en multi-niveau. C'est un élément important dont je vais vous parler dans la prochaine partie.