Être en mesure d'observer quelqu'un attentivement, pour comprendre, décomposer les mouvements qu'il fait pour effectuer une activité, c'est quelque chose d'hyper important. On appelle ça modéliser. Modéliser quelqu'un, c'est vraiment d'essayer de comprendre son processus mental, son processus général pour arriver à un résultat donné. Et ce que ça fait, c'est un accélérateur incroyable au niveau de n'importe quelle compétence.

Parce que si j'essaie moi-même quelque chose que je n'ai jamais fait, je vais tâtonner, je vais faire des essais, des erreurs, je vais apprendre un peu, je vais m'améliorer doucement. Mais si j'ai la chance d'observer quelqu'un qui est très, très, très habile pour faire cette chose-là, de décomposer, de le questionner, de le modéliser, ma courbe d'apprentissage va être tellement plus rapide, ça va être incroyable.

Alors, d'apprendre justement à poser les bonnes questions, à observer correctement et savoir quoi observer pour améliorer sa capacité d'apprentissage ou sa capacité de progression qui va être de plus en plus rapide, c'est quelque chose de fondamental et tellement utile à tous les niveaux, que ce soit à l'école, que ce soit au niveau professionnel, peu importe, c'est vraiment un acquis fondamental.

Analytiques

Un jeu intéressant pour amorcer cette capacité à observer l'autre dans l'intention de comprendre, d'apprendre ou de reproduire ce qu'il fait, c'est le jeu des miroirs. Comment on fait ça ? On met deux personnes face à face, on détermine qui sera le premier meneur et le meneur va commencer à faire toute une série d'actions et de gestes.

Mais il doit procéder très lentement de manière à ce que l'autre devant puisse faire les gestes presque en même temps. C'est certain qu'il y a toujours un petit décalage, mais l'objectif c'est d'être le meilleur miroir possible.

Et c'est possible de s'amuser follement et plus on en fait, plus les mouvements deviennent compliqués et plus la personne, celui qui suit, est en mesure de suivre rapidement, pratiquement sans aucun délai parce qu'il est complètement absorbé et concentré dans l'exercice. Alors ensuite, évidemment, on change de rôle et ainsi de suite avec d'autres personnes.

C'est un jeu tout simple pour les enfants qui s'adorent. Ils ne se rendent pas compte qu'on faisait sans ça. C'est un premier pas pour apprendre à modéliser.

Dynamiques

La chaîne de signes, c'est vraiment le jeu par excellence pour modéliser. Alors qu'est-ce que c'est ce jeu-là ? Ben, simplement, tous les enfants sont placés à la queue leu leu, regardant dans la même direction. Le dernier de la ligne va faire une séquence de mouvements originale. Alors, l'important, c'est qu'il imagine une petite scénette, une situation du quotidien où il fait une série de mouvements qu'il va mimer. Et qu'il fasse un... qu'il fasse un sens, tous mis un à la suite de l'autre.

Ensuite, il va montrer cette série de mouvements-là à la personne devant lui, qui va se retourner vers l'autre devant lui, lui taper sur l'épaule et ça va être à son tour de reproduire la chaîne de mouvements pour que l'autre le fasse au suivant, au suivant et au suivant. Les premières fois, évidemment, il va y avoir une distorsion colossale dans la chaîne de mouvements. Ce qu'il y avait au début et ce qu'il y a à la fin, soudain, n'a rien à voir carrément.

C'est complètement fou et c'est drôle, drôle, drôle parce que, justement, les observateurs peuvent voir d'une personne à l'autre toutes les biais et tous les trucs qu'ils ont compris de travers et les enfants prennent conscience à quel point c'est une distorsion importante. Mais en le pratiquant, les enfants vont devenir extrêmement habiles à reproduire de façon exacte et vont éventuellement parvenir à faire l'ensemble de la chaîne en demeurant cohérents avec les mouvements de départ. Et quand ils sont capables de faire ça, c'est qu'ils ont franchi un immense pas dans la capacité à modéliser leur pair.

Explorateurs

C'est possible aussi d'organiser un jeu de parcours où, au tout début du parcours, l'enfant doit mémoriser une série d'actions à effectuer et ensuite, il doit les effectuer dans l'ordre jusqu'à ce qu'il ait complété le parcours. Une fois que c'est fait, on va lui demander de reproduire le même parcours en calculant combien de temps ça lui prend. À partir de ce moment-là, on a une marque à battre.

On va expliquer aux enfants qu'ils vont devoir tenter de le faire le plus rapidement possible et lorsque tous les enfants ont effectué la séquence, la série d'obstacles, la série de mouvements, le parcours au complet, on va prendre celui qui a eu le meilleur temps et on va lui demander de refaire la séquence pendant que tous les autres observent et qu'à la suite, ils vont lui poser des questions.

Une fois que ça a été fait, on va reprendre le parcours une autre fois et immédiatement, on va voir que tous les enfants, généralement, vont avoir amélioré leur temps. Alors, le but, ce n'est pas d'être le plus rapide possible. Le but, c'est d'apprendre à faire des mouvements les plus précis possibles, à créer une séquence la plus efficace possible de manière à optimiser les choses pour pouvoir compléter la tâche le plus rapidement possible.

Et pour ce faire, évidemment, on va prendre celui qui a la meilleure expertise, qui a été capable de le faire le plus rapidement possible parce qu'il y a quelque chose qui fait en sorte qu'il est aussi rapide et apprendre à décortiquer et à trouver justement ce secret-là qui fait que lui y arrive et à l'intégrer, le reproduire, à l'utiliser et souvent même à le bonifier.

Relationnels

Le fait de tenter de reproduire une séquence de mouvements ou une chorégraphie est une excellente façon d'apprendre à modéliser. Par exemple, l'enseignant fait une série de mouvements de danse et tous les élèves doivent ensuite tenter de reproduire la série de mouvements. Alors, évidemment, chez les élèves, il y a souvent une grande distorsion entre ce qui a été montré et ce qui est fait.

Ensuite, l'enseignant va aller de plus en plus profondément dans les mouvements et l'explication de chacun des mouvements de manière à ce que les enfants soient en mesure, de plus en plus précisément, de reproduire chaque petit mouvement. Alors, évidemment, cela prend un enseignant qui sait faire de l'enseignement explicite, qui est capable de dire verbalement ce qui se passe dans sa tête, d'expliciter son processus mental puis de dire : "Bien là, il faut faire bouger le centre de gravité, regardez, les genoux baissent, les mains montent, regardez comment sont positionnés les doigts." Alors, il va pointer les éléments où les étudiants doivent faire attention pour reproduire le plus exactement possible ce qui a été fait.

Souvent, le fait que c'est fait en mouvement par le corps fait que les enfants n'ont pas l'impression d'être en train d'apprendre quelque chose, mais ils apprennent tout de même à modéliser, ce qui pourra ensuite être réutilisé quand l'enseignant, par exemple, va expliquer comment résoudre un problème mathématique. C'est le même principe. Si j'ai appris à décortiquer, déconstruire puis à modéliser quelqu'un, je vais être capable de le faire dans toutes sortes de situations et c'est vraiment là la clé.

Autonomie

Il y a un élément qui est incomparable pour apprendre à effectuer une tâche et ça s'appelle la présentation en trois temps. C'est-à-dire qu'on va enseigner à l'enfant exactement quoi faire, quel mouvement, dans quel ordre pour qu'il apprenne à reproduire les mouvements.

Alors, dans un premier temps, on va demander à l'enfant d'observer silencieusement, sans bouger, une séquence de mouvements. Ensuite, on va lui dire : « Je vais le refaire, les mouvements, mais cette fois-ci en t'expliquant chaque mouvement. » Donc, on joint la parole au mouvement lui-même. Et on dit à l'enfant : « Une fois que j'aurai complété, ça sera à ton tour de jouer. Tu vas devoir refaire exactement la même chose. »

Alors, par exemple, je peux enseigner à laver les mains, à laver de la vaisselle, peu importe la tâche, et justement, je vais faire les gestes très très lentement, de façon bien séparée pour que l'enfant puisse observer. Ensuite, je vais le reproduire en les faisant en parlant, puis ensuite je vais observer l'enfant et lui donner de la rétroaction, évidemment, pour qu'il s'améliore.

Donc, l'enfant, mine de rien, apprend à modéliser une série de mouvements et ça va lui permettre de progresser de façon beaucoup beaucoup beaucoup plus rapide. Et ça satisfait autant les enfants qui ont besoin de voir, qui ont besoin d'entendre et qui ont besoin ensuite de le tester par eux-mêmes.